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Brita, l'eau qui ne dort pas
Publié initialement le mardi 17 février 2015
Fondée il y a 50 ans, l'entreprise familiale allemande Brita est le leader européen du marché des carafes filtrantes. Après une période difficile, l'entreprise multiplie les succès. Pour préserver un management durable, Brita a décidé de se passer du service des banques et des marchés.La nouvelle ligne de production de filtres à eau tourne à plein régime. C'est la dernière fierté de l'entreprise Brita qui a son siège à Wiesbaden. Le mouvement perpétuel des bras articulés, des perforateurs et des escaliers électriques qui manipulent, transforment et placent chaque pièce avec une synchronisation parfaite laisse une impression de ballet moderne. L'ancienne ligne est en panne depuis trois heures. Une "exception", s'empresse de préciser Lucas Platz, le chef du site de production. À plein régime, chacune des lignes produit 100 000 filtres par jour pour équiper ses carafes d'eau. L'appareil productif est à 100 % automatisé, les sept employés présents ne s'occupant que de la supervision et du chargement des produits finis vers l'entrepôt voisin. "L'automatisation est la seule alternative pour continuer de produire en Allemagne. Les coûts de la main-d'oeuvre sur ce segment sont très élevés", justifie Markus Hankammer, PDG de Brita. "C'est ce qui a permis à l'entreprise de conserver les 650 emplois du site (services supports et le laboratoire de recherche)", explique celui qui a repris l'entreprise familiale des mains de son père il y a 15 ans. Du moteur de voiture à la carafe d'eau Le destin des 1 150 employés, des 3 autres sites de production et 17 filiales à l'étranger a finalement tenu à peu de chose. En 1967, le fondateur de Brita, Heinz Hankammer travaille sur une machine à réparer les pneus. Dans une station essence, il s'intéresse à la problématique de déminéralisation de l'eau des moteurs. Il contacte le géant allemand de la chimie Bayer et met au point une machine qui filtre l'eau par un procédé d'échange ionique. Dans la foulée, lors de son voyage de noces aux Baléares, il est surpris par le mauvais goût de l'eau, potable mais à forte teneur minérale. "Si la déminéralisation marche pour les voitures, pourquoi ne fonctionnerait-elle pas pour l'eau potable ?" Sa fille Brigitte, la petite "Brita", vient de naître. Il lance alors "Heinz 1", la première gamme de carafes filtrantes et crée Brita S.A. L'entreprise connaît très vite une expansion rapide sur le marché allemand et à l'étranger. Son fils, Markus Hankammer, jure avoir longtemps hésité à reprendre l'entreprise familiale. Les premières années sont difficiles : "On partageait la même vision avec mon père, mais on était rarement d'accord sur la pratique." Si les volumes sont impressionnants, les marges fondent et l'entreprise se disperse. "On fera sans les banques" Les dix banques qui traitent alors avec Hankammer père imposent une pression infernale : les "cash-flows sont mauvais", répètent-ils au jeune Hankammer, seulement 30 ans à l'époque. Fatigué de ces banquiers qui s'immiscent dans le management et pèsent de leur poids financier sur l'avenir de l'entreprise, il tranche : "Si c'est impossible avec les banques, alors on fera sans elles." Un choix hautement risqué. La trésorerie se tarit, et Brita est au bord de l'asphyxie financière. Markus Hankammer revend précipitamment deux filiales : une en Amérique du Sud et une joint-venture, les Israéliens de SodaStream, qu'il commercialise alors en Allemagne. Il n'hésite pas non plus à abandonner les produits non rentables et recentre Brita sur son coeur de métier : les carafes filtrantes pour particuliers et les offres BtoB (hôtellerie, restauration, entreprises). Il met en place une stricte "stratégie de croissance profitable" : chaque projet devra être financé à partir des ressources de l'entreprise et sa rentabilité sera étroitement surveillée. Le pôle Recherche & Développement, les investissements dans l'appareil de production et le nouveau siège social sont ainsi entièrement autofinancés. "Si aujourd'hui, je considère que c'était la période la plus instructive de ma carrière, ça a été particulièrement difficile sur le coup", se rappelle celui qui a commencé à 14 ans sur les lignes de production. Capital familial, direction mixte Suivant le voeu formulé par son père, le capital reste à 100 % aux mains de la famille. Mais le conseil de surveillance est majoritairement contrôlé par des personnes extérieures. Brita Hankammer siège ainsi aux côtés de deux dirigeants extérieurs à la famille. Un équilibre censé répondre à la problématique récurrente des entreprises comme Brita : l'internationalisation d'une entreprise familiale et les problèmes de conflits d'intérêts qui en découlent. "Il n'y a pas de recette miracle. Nous avons choisi de définir honnêtement les intérêts de chacun et de faire en sorte qu'ils ne puissent jamais mettre en péril l'entreprise", explique l'héritier. Après être venue à bout de ses problèmes de marge, l'entreprise poursuit son développement. Le chiffre d'affaires passe à 133 millions d'euros en 2001, puis à 275 millions en 2008. Alors que d'autres entreprises du Mittelstand ont recours aux mesures de chômage partiel, Brita passe la crise sans se retourner, portée par ses nouveaux marchés en Europe de l'Est, en Russie ou dans le Pacifique. Avec son siège à quelques kilomètres de Francfort et de sa place financière, Markus Hankammer a choisi de se passer des opportunités de financements qu'offrirait une introduction en bourse. "Nous défendons une vision de long-terme, nous étudions attentivement les opportunités avant de lancer un produit, mais nous lui laissons ensuite sa chance." Une stratégie qu'il juge difficilement compatible avec les rentabilités à court-terme exigées par les marchés. Se passer des banques et des marchés, une formule qui paraît incroyable pour une entreprise qui a dégagé 332 millions de chiffre d'affaires l'an dernier. Aujourd'hui, les premiers pas sur le marché chinois nourrissent également les plus vifs espoirs, le chiffre arrêté de 15 millions d'euros pour 2014 a été révisé trois fois à la hausse. Le marché américain est également dans les têtes, même si la législation et les particularités du marché sont contraignantes. Brita peut d'ailleurs y compter une ambassadrice de choix : Michelle Obama, tombée sous le charme des robinets à filtres intégrés lors d'un passage en Angleterre a passé commande de deux modèles... pour la Maison blanche. Tout simplement.
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