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Hermann Simon : "Je suis devenu le troubadour du Mittelstand allemand"
mercredi 08 avril 2015
Hermann Simon, fondateur et directeur du cabinet de conseil Simon-Kucher.D'où vient ce concept des "champions cachés" et quels sont les critères pour les définir ? L'idée m'est venue en 1986 : un professeur d'Harvard m'avait demandé pourquoi mon pays avait autant de succès dans les exportations. Cette année-là, les exportations allemandes avaient atteint un record mondial. Trois ans plus tard, j'ai confié pour la première fois ce sujet de mémoire à l'un de mes étudiants. Je m'étais rendu compte que la source du succès ne provenait pas des multinationales, mais des entreprises du Mittelstand. Mais toutes les entreprises de taille moyenne ne sont pas exportatrices. Parmi elles, il existe une élite. C'est en 1991 que j'ai employé pour la première fois le concept de "champions cachés". J'ai défini pour cela trois critères: tout d'abord, les entreprises doivent compter parmi les trois premières sur le marché mondial, ou doivent être leader sur leur continent. Ensuite, leur chiffre d'affaires doit atteindre au moins 5 milliards d'euros. Enfin, elles sont peu connues du grand public. Pouvez-vous nous donner un exemple ? Mon exemple de prédilection est Flexi, producteur de laisses à enrouleur pour chiens. Dans le monde entier, Flexi détient 70 % du marché. Si sa production concernait seulement le marché allemand, Flexi serait une entreprise minuscule. D'où l'importance du marché mondial. C'est pour ce secteur que j'ai développé notre bureau de consultants, avec aujourd'hui 29 filiales dans 22 pays. En chantant les vertus des champions cachés, je suis devenu le troubadour du Mittelstand allemand. Quand vous avez commencé à développer ce concept, l'Allemagne était considérée comme "l'homme malade de l'Europe". Qu'est-ce qui a changé depuis ? Beaucoup de choses. Il y a eu une hausse très forte de l'innovation, surtout en provenance de ces entreprises. Leur nombre de brevets par employé dépasse de six fois celui des grandes entreprises. À cela s'ajoute un rendement productif extrêmement puissant. Pourquoi ce principe marche-t-il mieux en Allemagne ? Que dire sur la France ? Permettez-moi deux hypothèses: une économie aussi centralisée que la France ne produira que peu de PME. Les grands efforts de décentralisation avec, par exemple, le développement de l'aérospatiale à Poitiers ne changent rien au fait que les décisions internationales sont toujours prises à Paris. Et puis les Français restent attachés à leurs élites. Or, ces grandes écoles nationales ne produiront jamais du Mittelstand. C'est une question de culture. Avant de devenir directrice générale du FMI, Christine Lagarde reprochait à l'Allemagne de réaliser son succès à l'exportation aux dépens de ses voisins. C'est du flan. L'erreur derrière le reproche de Madame Lagarde consiste en effet dans l'idée que ce serait l'État ou son gouvernement qui décide des exportations. Or, ce ne sont que les entreprises très puissantes qui exportent. Ce sont BMW ou Glasbau Hahn, en tant que champions cachés, qui vendent leurs produits à l'international. La République fédérale allemande n'exporte rien. Le gouvernement allemand serait bien bête de vouloir interdire l'exportation à ces sociétés. Selon mes recherches, le succès des champions cachés s'est réalisé avec très peu d'aide de l'État. Les fondateurs des Hidden Champions font partie de la génération d'après-guerre. Que se passe-t-il dans la génération suivante ? Il y a deux cultures parfois contradictoires. L'esprit pionnier est remplacé par celui du professionnalisme. Les successeurs ne sont plus des artisans unilingues, ils ont une meilleure formation et ils connaissent les pays étrangers. Mais cette première génération de patrons était quand même partie à l'étranger. Mon exemple favori est Hermann Kronseder, fondateur de Krones en Bavière, à l'époque constructeur de machines à étiqueter pour les bouteilles de bière. Aujourd'hui, Krones couvre un marché bien plus large. Pour examiner le marché américain, --Monsieur Kronseder emmenait son neveu qui avait appris l'anglais à l'école. Après quatre jours seulement, voyant les grandes brasseries de Milwaukee, il a fondé sa filiale américaine. Les successeurs d'aujourd'hui ont affaire à des entreprises plus larges, avec une organisation plus professionnelle, plus complexe. Quel rôle revient aux femmes dans ces entreprises ? En Allemagne, il y a beaucoup plus de femmes dirigeantes dans ce milieu que dans les grandes entreprises. Il faut néanmoins ajouter que ces patronnes sont souvent issues d'une famille d'entrepreneurs - alors que les hommes qui montent dans les directions des Hidden Champions viennent de plus en plus souvent de l'extérieur. Il est vrai que la France, avec son taux élevé de femmes dans les hierarchies d'entreprises, a bien sûr une avance sur l'Allemagne. Voilà quand même un avantage culturel ? Je ne crois pas que les entrepreneurs français soient très différents de leurs collègues allemands. Les conflits qui apparaissent dans les fusions, comme celles de Vallourec et Mannesmann, reflètent pourtant une autre conception de l'entreprise. Lorsque l'économie allemande était en difficulté au cours de la dernière décennie, les employeurs et les employés allemands ont trouvé ensemble des solutions, à savoir le travail à temps réduit, une journée de travail exceptionnelle (Sonderschicht) et les horaires à la carte (Arbeitszeitkonten). Les PDG français ont plus de pouvoir, à l'image du président de la République. En même temps, leurs employés se désolidarisent plus vite et plus fortement. Surtout quand on parle de productivité. Est-ce que l'actuelle crise de l'économie française est favorable à une réception de vos idées ? Il y a dix ans, la France et l'Allemagne étaient au coude à coude sur la compétitivité. Aujourd'hui, la donne a changé. J'ai tenu des discours à Bercy, devant le Medef ou lors de conférences internationales. Il semblerait que mon message ait à chaque fois suscité de l'intérêt. Mais la différence fondamentale entre nos deux pays réside, à mon avis, dans la conception de l'État. Je pense que les Allemands ne font pas trop confiance aux institutions en matière de compétitivité. Les entrepreneurs allemands préférent aborder ces problèmes en main propre. En France, on fait tout de suite appel à l'État.
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