Le jeudi 12 avril dernier, un jury de personnalités internationales s’est réuni à Berlin pour délibérer des gagnants de cette deuxième édition du Young Europeans Award. Organisé par l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), la Fondation culturelle Allianz, la Fondation Hippocrène, la Fondation pour la coopération germano-polonaise (SDPZ) et l’Office germano-polonais pour la Jeunesse (DPJW), en coopération avec UK-German Connection, le concours rassemble des jeunes de moins de 21 ans issus de France, d’Allemagne et de Pologne, afin de les encourager à participer à la construction de l’Europe de demain. Le thème de cette session 2017-2018 : « To be or not to be… a European ».

 

Proposer un autre discours que celui du repli nationaliste

 

À l’heure de la montée des discours nationalistes, sensibiliser les jeunes aux avantages de l’Union européenne devient une nécessité. Comme l’explique Michèle Guyot-Roze, vice-présidente de la fondation Hippocrène et jury du concours, « il y a un vrai déficit de connaissances et de compréhension de la part des jeunes de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle peut être et de ce à quoi elle peut leur servir. » D’après elle, nés dans une Union européenne qui n’a pas connu de conflits depuis la seconde guerre mondiale, « les jeunes considèrent que la paix y est acquise ».

 

Il est clair que l’enthousiasme vis-à-vis de l’Union européenne que l’on a connu il y a dix ans s’est aujourd’hui essoufflé. Dr. Markus Ingenlath, secrétaire général de l’OFAJ et membre du jury, qualifie cet enthousiasme de « naïf » : « Aujourd’hui il s’agit de régler les détails de la vie commune. C’est pénible et pas du tout sexy. On pose des questions de législation ou encore de politique de sécurité commune. Ces questions ne sont pas forcément associées à des émotions positives, mais elles sont nécessaires à l’unité du continent. » Ainsi, le Young Europeans Award cherche à réunir les jeunes de pays différents autour de valeurs communes. Une manière d’insister sur ce qui les relie et non ce qui les sépare.

 

Alors… to be or not to be ?

 

Pour cette session 2017-2018, le pays non-membre invité était le Royaume-Uni. Un choix intéressant, qui amène de toute évidence à questionner le Brexit. Étonnamment cependant, c’est à peine si le sujet a été abordé parmi les divers projets présentés.

 

Pour Cornelius Ochmann, directeur de la Fondation pour la coopération germano-polonaise et membre du jury, cela indique la différence entre la « grande » politique, qui est éminemment préoccupée par le Brexit, et les jeunes, pour lesquels ce n’est pas un problème : « Pour les adolescents, le Royaume-Uni n’a jamais vraiment fait partie de l’UE : l’Etat avait des contrôles douaniers, une monnaie différente… (…) Les dimensions économique et politique ne les intéressent pas. Pour un jeune de 16-17 ans, l’Union européenne c’est d’abord l’absence de frontières, la libre circulation. »

 

Via des projets de théâtre, des expositions et des plateformes multimédia, les adolescents ont plutôt choisi de s’interroger sur l’identité européenne en tant que sourd-muet, en tant qu’immigrant ou encore en tant que jeune né hors des grandes villes. Des sujets concrets qui font écho à leur quotidien.

 

Un entre-soi europtimiste

 

De manière générale, les projets considèrent l’avenir de l’Europe sous un jour optimiste : il n’a pas été question de « not to be ». Un groupe a imaginé une charte de ce que devrait être l’Europe à l’avenir, tandis qu’un autre proposait l’idée d’un parti politique de jeunes européens. Une perspective encourageante quant à l’engagement futur de la jeunesse au niveau européen, mais qui tient également à la nature du concours. Difficile d’imaginer des eurosceptiques participer à un concours intitulé « Young Europeans Award »…

 

C’est ce que regrette le journaliste et auteur Thomas Harding, également membre du jury : « Le problème, c’est que les pro-européens comme les eurosceptiques ne parlent qu’entre eux, surtout sur les réseaux sociaux : Twitter, Facebook etc. Les gens n’écoutent que ceux qui sont du même avis. Il y a une grande polarisation, et cela peut devenir de plus en plus dangereux, à moins que l’on ne réussisse à réunir ces deux groupes séparés. » Selon lui, si l’idée est d’élaborer un projet qui rassemble, autant rapprocher des gens de tous horizons, y compris ceux qui sont moins positifs à propos de l’UE.

 

Inviter les jeunes euro-sceptiques à une discussion sur l’Europe ? Si la tâche semble ardue, voire paradoxale, peut-être l’édition 2019-2020 du concours réussira-t-elle à relever le défi.

 

 

Par Ludmila Rougeot

Par Redaktion ParisBerlin le 24 avril 2018