CSD 2016 : bonne humeur et revendications


mardi 26 juillet 2016
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LGBT mais ouverte à tous, l'association berlinoise Bleu-Blanc-Rose se présente comme un espace de rencontre et d'échange pour francophones et francophiles. Nous avons embarqué avec elle sur un char lors du Christopher Street Day.


©Pierre Pauma



Midi a déjà sonné depuis longtemps à Kurfürstendamm, quand le convoi se met lentement en marche. Initiés et passants acclament les héros du jour, les chars des associations et des sponsors font pleuvoir des échantillons, des bonbons, des préservatifs... Quelques-uns courent en slip ou en tenue latex autour du cortège, et, tout à l'arrière du peloton, le vélo-taxi de la délégation française est confortablement calé dans la roue d'un poids lourd tout habillé de jaune. A première vue, il n'y a pas de grosse différence entre le Christopher Street Day et la caravane du Tour de France.


Le ministère des affaires étrangères est pourvu d'un réseau LGBT, contrairement à deux tiers des entreprises du DAX  (source : Prout at work) ©Pierre Pauma



Ce poids lourd en jaune, c'est celui du ministère des affaires étrangères allemand. Ses employés partagent les deux étages du char avec l'association franco-allemande Bleu-Blanc-Rose et le collectif Prout At Work. Rien à voir avec une quelconque onomatopée française, puisque ce mouvement milite pour la normalisation du coming-out sur le lieu de travail. Leur but, rendre les LGBT "proud to be out at work". Une évidence qui ne va pas de soi à en croire le Président de l'association Jean-Luc Vey. Ce Français installé à Francfort a toujours été "out" sans en pâtir, mais tous n'ont pas cette chance. Selon son association, la moitié des employé(e)s gays, bi ou lesbiennes n'osent pas révéler leur orientation sexuelle au travail, de peur d'être pénalisés dans leurs carrières. 

Certains se sont passés le mot et on adopté le dresscode "proud at work". Pour Michael, employé au ministère des affaires étrangères allemand, ajuste un noeud papillon violet à motifs écossais par dessus sa chemise à carreaux, le tout encadré d'une paire de bretelles. En 20 ans de carrière, il reconnaît ne jamais avoir caché sa préférence pour les hommes. "J'ai sûrement des collègues très tolérants", s'amuse-t-il. "Mais ce n'est pas une chance que tout le monde a."


©Michael, en train d'ajouter la touche finale à sa tenue. ©Pierre Pauma

La manif pour tous les partis

Pourtant en Allemagne, les LGBT sont mieux organisés, estime Jean-Luc Vey. Suffisamment pour maintenir une certaine égalité de fait avec la France, qui a marqué des points en adoptant le mariage et l'adoption pour tous. En Allemagne, la réaffirmation l'an dernier d'Angela Merkel de ne pas ouvrir le chapitre du mariage homo en laisse plus d'un amer. Parmi tous les slogans proposés cette année, les organisateurs de la CSD ont opté pour "Danke für nix" (merci pour rien), histoire de rappeler que les avancées obtenues par les LGBT sont encore insuffisantes. Dans le défilé, des pancartes exigent que l'Allemagne rejoigne les 13 pays européens qui autorisent le mariage entre deux personnes de même sexe. Plus encore que dans d'autres pays ou même d'autres parades allemandes, la CSD berlinoise est éminemment politique. Avec 700. 000 participants, c'est la plus grosse manifestation militante de l'année, et donc une vitrine incontournable pour les partis politiques qui ont presque tous leur char dans le défilé. En 2013, la CSD a tenté d'exclure la délégation CDU de la parade, en représaille à la politique du gouvernement conservateur. Le geste a provoqué un tel tollé qu'il a finalement fallu autoriser la présence officielle des LSU (Lesben und Schwule in der Union). Un an plus tard, les organisateurs de la CSD envisageaient de muscler leur discours militant durant la parade. Ils décident d'écarter les partis politiques des discussions, y compris des Verts, pourtant compagnons de la première heure. Les intéressés montrent leur mécontentement en boycottant la CSD de 2014 et son imités par la CDU.


© Un pari réussi pour les LGBT : obliger les partis politiques à prendre position. Ici, le char de Die Linke.











Fin observateur de la vie politique allemande, le président de Bleu Blanc Rose Pascal Thibaut n'a pas vraiment compris en 2013 ce choix d'exclure le mouvement gay et lesbien de la droite allemande : "Ce sont des pionniers dans leur parti, où certains maintiennent des positions très conservatrices. Est-ce que c'est eux qu'il fallait sanctionner ?" lâche-t-il au moment où le char passe justement devant le siège de la CDU.

Pascal Thibaut (à gauche), devant le vélo-taxi de Bleu Blanc Rose ©Pierre Pauma

Berlin, cet îlot gay-friendly

Le public change au fur et à mesure que l'on s'éloigne de Kurfürstendamm. Les familles en poussette ont laissé place aux habitués et aux fêtards. Dans la Playlist franco-allemande du char, Helene Fischer et Mylène Farmer se mélangent aux Village People et aux Pointer Sisters, emblèmes de la culture gay. Les tenues insolites sont de moins en moins rares... Mention spéciale aux Bavarois gays, au papillon en slip et aux fétichistes aux cagoules de cuir qui tiraient leur copain en char sous 30 degrés.



Pascal Thibaut, est descendu de son vélo-taxi et est monté sur le char pour mieux profiter de la vue et souffler un peu : "Quand j'en vois avec des talons-aiguilles, je doute qu'ils les portent sur 8 kilomètres !" Après 25 ans de vie Berlinoise, c'est désormais un habitué de la CSD. L'expérience est plus inédite pour certains membres de l'association Bleu Blanc Rose qu'il préside. Olivier n'est pas venu que pour montrer son polo Lacoste épinglé d'un superbe croco rose, mais aussi pour revoir son compagnon allemand, professeur de français à Berlin. Il n'est pas le seul à le dire, Berlin est un véritable havre de paix pour les LGBT. "Les gens sont définitivement plus ouverts, le dialogue est plus facile... Et puis question charme, l'accent français fait le reste. Mais ça je suppose que c'est pareil pour vous, les hétéros ?" lance le quinquagénaire en rigolant. Marie fait le même constat, même si elle regrette que le milieu lesbien reste un microcosme, dans lequel "on recroise très souvent les mêmes filles." Au milieu des 700. 000 personnes qui convergent vers la Porte de Brandenbourg, peut-être aura-elle trouvé chaussure à son pied.

Le lederhose se porte avec du rose et du lila cette année. ©Pierre Pauma

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