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Recruté par le quotidien Le Monde en 1984, comme correspondant en Allemagne fédérale, à Bonn, Henri de Bresson a passé ses 24 ans de carrière au sein de ce journal entre l'Allemagne et les affaires européennes...

Un nouvel élan pour l'Europe de la défense ?


samedi 19 juillet 2014
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L'Allemagne, la France et la Pologne sont réunies depuis 1990 dans le Triangle de Weimar. La récente crise en Ukraine a montré que cette coopération est plus que jamais d'actualité.




 
La crise ukrainienne a redonné de la visibilité au Triangle de Weimar, cette structure informelle de coopération mise en place par la Pologne, l'Allemagne et la France après la chute du bloc soviétique et la Réunification allemande, pour aider l'Europe élargie à voir le jour. En liaison avec le Service européen pour l'action extérieure, les trois pays ont joué un rôle essentiel en février dernier, pour éviter que les affrontements ne dégénèrent sur la place Maidan à Kiev. Leur intervention n'a pas permis de faire reculer le président Poutine dans ses manoeuvres de déstabilisation pour détacher la Crimée de l'Ukraine et agiter les séparatistes russophones de l'Est du pays. Mais elle montre la voie dans une Europe encore bien loin de la conscience d'avoir à assumer elle-même sa défense face au monde extérieur. 

Au centre de l'Union européenne, l'Allemagne est toujours indécise. Son opinion publique reste très réticente à voir le pays accepter plus de responsabilités, ce malgré son poids grandissant. Les dirigeants allemands ont pris conscience de cette contradiction, mais les freins ont du mal à se desserrer. La Pologne, l'Allemagne et la France sont sorties de la Guerre froide avec des visions différentes de leurs besoins sécuritaires. Tout en assumant une charge importante au sein du dispositif de l'OTAN face aux troupes de l'Union soviétique, l'Allemagne de l'ouest ne s'occupait durant la Guerre froide que de la défense de sa frontière, le long du rideau de fer qui coupait l'Allemagne en deux. Après la Réunification, ses dépenses dans le domaine militaire, malgré la fusion des deux armées de l'ouest et l'est, ont été considérablement diminuées. En 2010, le ratio de son budget militaire n'était plus que de 1,3 % de son PIB, contre 2 % pour la France et 1,8 % pour la Pologne. La question de responsabilité morale de l'Allemagne, parce qu'il faut "empêcher d'autres Auschwitz", avait été soulevée en son temps par l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, qui avait convaincu son chancelier, le social-démocrate Gerhard Schröder, de participer dans le cadre de l'OTAN à la mise au pas des Serbes au Kosovo. Ce tournant avait été salué. Mais il avait vite été remisé au tiroir avec l'arrivée d'Angela Merkel à la chancellerie en 2005, qui s'est contentée de gérer l'important contingent allemand en Afghanistan.Cette attitude a conduit le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, à indiquer en 2011, à Berlin, que la Pologne avait aujourd'hui moins peur d'une Allemagne qui assume ses responsabilités, que d'une Allemagne qui se cache : "I fear German power less than I am beginning to fear German inactivity !". 

Longtemps accusée à Paris d'être la porte d'entrée des américains en Europe, la Pologne a connu une évolution qui la pousse aujourd'hui, sans renier l'OTAN, à se rapprocher sur ces questions de la France, ouvrant de nouvelles perspectives au Triangle de Weimar. Les deux pays n'ont pas forcément la même vision. éLe sentiment de perpétuelle insécurité vis-à-vis de l'Est conduit les Polonais à se concentrer sur leurs limites territoriales, en adoptant une conception essentiellement nationale de la sécuritéé, peut-on lire dans une lettre de l'Institut de recherche de l'école militaire de Paris (IRSEM) datée de 2004. La France a une vision plus globale des menaces. Mais ces différences n'empêchent pas les deux pays de converger vers l'idée que l'Europe ne peut plus attendre pour aller vers une défense intégrée, ce qui les sépare de plus en plus des Britanniques. Le refus de Londres, l'indifférence des autres, ont bloqué les initiatives polonaises lors de leur présidence de l'Union européenne, en 2011. Mais la France de Nicolas Sarkozy, puis de François Hollande a fini par comprendre le message.

Les relations entre Paris et Varsovie n'ont pas toujours été simples depuis la fin du régime communiste. C'est pourtant au nom de leur vieille tradition d'amitié que Paris avait été invité, en 1991, à servir de parrain à la relation entre la Pologne libre et l'Allemagne réunifiée. La période n'était pas aisée. La Pologne de l'après-guerre englobe d'anciens territoires allemands et la frontière Oder-Neisse, qui sépare les deux pays, n'a été acceptée en 1990 par le chancelier Kohl qu'en grinçant des dents. Hans Dietrich Genscher, Roland Dumas et Wladyslaw Bartoszewski se sont ainsi réunis en 1991, à Weimar, la ville de Goethe, pour jeter les bases d'une réconciliation germano-polonaise prenant pour modèle la réconciliation franco-allemande. Parmi les premières manifestations figurent la création de l'Université germano-polonaise de Viadrina, à Francfort-sur-l'Oder, celle d'un office germano-polonais pour la jeunesse, pendant de l'Office franco-allemand, avec lequel il coopère. Mais la période n'est pas propice. Les négociations sur l'entrée des pays d'Europe centrale dans l'Union, qui se concrétisera en 2004, suscitent des tensions. Le refus du chancelier Schröder et de président Chirac de cautionner la guerre lancée par les États-Unis en Irak, leur rapprochement avec Moscou, créent un fossé durable. L'arrivée au pouvoir des frères Kaczynski, qui font commerce d'un anti-germanisme primaire, marquera une rupture marquée par le refus du président Lech Kaczynski d'honorer, en 2006, le 7è sommet du Triangle de Weimar, à Weimar.  

Avec l'élection du gouvernement de Donald Tusk, puis du président Komorowski en 2010, les choses ont pris un nouveau tour. Les relations entre l'Allemagne et la Pologne sont à nouveau soignées. Celles entre Paris et Varsovie aussi. Elles ont été particulièrement actives ces derniers mois, avec des initiatives dans des domaines très sensibles, comme l'énergie ou l'industrie d'armement. La coopération dans ce domaine a fait l'objet en février dernier d'une conférence à Cracovie réunissant des industriels des trois pays, en présence des ministres de l'Économie et du Redressement productif. La vieille idée d'une épine dorsale européenne partant de Varsovie reprend corps, avec en prolongement l'Italie et l'Espagne, associées dans les discussions militaires dans le cadre d'un "Weimar +". Varsovie devra pour aller plus loin intégrer un jour la zone euro, elle en remplit aujourd'hui les conditions, elle en monnayera les termes. La crise ukrainienne a rappelé à tous que la sécurité de l'Union européenne ne se joue pas seulement sur la Méditerranée et qu'aux avant-postes, à l'Est, la Pologne doit être prise au sérieux.  
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