« Nous devons agir maintenant » avait prévenu Jean-Claude Juncker jeudi, lors d’une conférence de presse à l’issue du Sommet européen de Sofia. Et le lendemain, le Président de la Commission a mis ses menaces à exécution. « Nous avons pour devoir, Commission et Union européennes, de protéger nos entreprises et notamment les PME, qui investissent en Iran » a expliqué Juncker en ouvrant le processus formel d’activation de la « loi de blocage » destinée à éviter que les entreprises européennes subissent les représailles prévues par Washington au nom d’une extraterritorialité contestée par la plupart des partenaires des Etats-Unis.

Dès jeudi, Emmanuel Macron et la plupart de ses homologues européens avaient clairement indiqué qu’ils ne se soumettraient pas aux conséquences de la décision unilatérale américaine, prise le 8 mai, de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien et de rétablir des sanctions contre ce pays et contre les entreprises présentes en Iran.

« Ces sujets sont des tests de souveraineté pour l’Europe » avait expliqué le Président de la République, saluant l’unité et la fermeté des Européens.

La loi de blocage européenne, adoptée en 1996 à la suite de l’embargo américain contre Cuba, comporte une liste des sanctions américaines contre l’Iran relevant de son champ d’application. Elle interdit aux entreprises et aux tribunaux européens de se conformer aux effets extraterritoriaux des sanctions américaines et leur ouvre le droit d’être indemnisées de tout dommage découlant de ces sanctions. Elle annule également les effets en Europe de toute décision de justice étrangère fondée sur ces sanctions. La Commission souhaite que cette loi de blocage soit adoptée par le Conseil des ministres et le Parlement européens avant le 6 août, date à laquelle la première série de sanctions américaines prendra effet.Ces deux institutions disposent d’un délai de deux mois pour formuler des objections, ce délai pouvant être raccourci. L’exécutif communautaire a également proposé que la Banque Européenne d’investissement, la BEI, puisse soutenir les investissements européens en Iran, ce qui pourrait être utile notamment aux PME. Elle entend, par ailleurs, intensifier la coopération avec l’Iran, notamment dans le secteur de l’énergie et pour les PME. Une assistance financière est également envisagée dans le cadre de partenariat ou de coopération au développement. Enfin Bruxelles veut encourager les pays de l’UE à examiner la possibilité de transferts bancaires vers la Banque centrale iranienne.

« Cette affaire iranienne risque de favoriser le renforcement de la présence chinoise dans la région » s’est inquiété jeudi un diplomate européen. Avant la décision d’activer la loi de blocage européenne, de nombreuses entreprises présentes en Iran s’interrogeaient sur le maintien de leur présence, redoutant de lourdes représailles américaines. L’armateur danois de navires pétroliers Maersk Tankers a annoncé la cessation de ses activités en Iran alors que l’Allemand Siemens observe une position d’attente, comme VW, Daimler et Heinkel également présents mais à plus petite échelle. Et face au retrait probable du français Total d’un projet de développement de l’immense champ gazier iranien Pars Sud, l’Iran a prévenu qu’il serait remplacé par le géant chinois CNPC, partenaire de Total dans ce contrat d’un montant de 4,8 milliards de dollars.

Par Redaktion ParisBerlin le 18 mai 2018