Par Manon Le Hir

Contribution sous : ParisBerlin Web >> Culture

Un mirador à la croisée des chemins


Par Manon Le Hir

vendredi 20 mars 2015
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Depuis trois ans, le mirador érigé en 1964 à coté de l'actuelle Potsdamer Platz est ouvert au public. Jörg Moser-Mertius, berlinois de longue date, a repris en 2011 les droits d'exploitation de la tour de surveillance en tant qu'initiative privée et organise des expositions temporaires sur la guerre froide autour de ce monument.
Berlin Wall Exhibition, une initiative autour de laquelle les chemins d'historiens, de touristes curieux ou passionnés, de berlinois aux souvenirs imprégnés, et de Hendrik Pastor, l'ex photographe français des troupes américaines puis britanniques de 1968 à 1994 se croisent pour donner à cette tour plus qu'un passé: un avenir.

















  Erna Berger Straße - le mirador
  © Berlin Wall Exhibition - Jörg Moser-Mertius

Potsdamer Platz. Dans le métro déjà, on se bouscule, on se précipite. On grimpe les escaliers pour retrouver la ville. Au beau milieu du quartier des affaires, de tous ces immeubles plus grands les uns que les autres,  les voitures klaxonnent, les hommes en costume ont le pas pressé. Le feu piéton ponctue cette agitation comme un métronome avertissant les quelques touristes se risquant à traverser les pistes cyclables et l'avenue à trois voies.
Au milieu de ce tumulte, on découvre une impasse. On s'engouffre dans la Erna-Berger Straße un peu par hasard, appréciant le calme qui s'installe au fur et à mesure qu'on s'éloigne des buildings de verre qui nous donnaient le vertige. Au bout de cette rue, on aperçoit la silhouette d'une petite tour en béton gris. « Construite en 1964, c'est la plus vieille relique de la Guerre Froide que possède Berlin » nous assure Markus Zimmermann entre deux anecdotes que cet historien aime raconter. Vêtu d'un manteau de laine, ils gardent, lui ou son collègue Said Ahmadi, la tour cinq heures par jour pour accueillir les touristes perdus, ou au contraire, bien renseignés. À la tête de cette initiative nommée Berlin Wall Exhibition se trouve le berlinois Jörg Moser-Mertius qui a obtenu les droits d'exploitation de ce mirador en 2011. À cette époque, le monument historique placé sous protection du patrimoine en 2001 mais totalement recouvert de graffitis semblait condamné à un rapide déclin. Faute d'argent public, M. Moser-Mertius a monté une initiative privée pour rénover la tour, « en utilisant essentiellement des produits de l'ex-RDA trouvés sur E-Bay (ampoules, prises électriques) » nous précise Markus Zimmermann le sourire aux lèvres, se tenant fièrement devant la tour libérée de ses graffitis.  














 Vue aérienne de la Leipziger Platz (1974) - À gauche : porte de Brandenburg / À droite : le mirador
 © Agentur der Gallier - Hendrik Pastor

« Where was the wall ? »

 
Cette tour est devenue l'engagement d'une vie pour Jörg Moser-Mertius. Tout en restant silencieux sur son parcours, il nous annonce qu'il s'occupe aujourd'hui de la tour professionnellement. Ce passionné a organisé de septembre à novembre 2014 six semaines d'exposition sur la vie berlinoise à l'ombre du mur dans le centre commercial Arkaden de la Potsdamer Platz. Archives, photographies, documentaires, et une reconstitution du mirador de la Erna-Berger Straße ont séduit les visiteurs à l'occasion des 25 ans de la chute du mur. « Le sujet du mur préoccupe toujours autant à Berlin, c'est omniprésent. Certains jours, l'exposition a attiré jusqu'à 60 000 visiteurs » nous dit M. Moser-Mertius, expliquant le succès de l'événement. L'exposition fût saluée par différents historiens comme Dr. Hans-Hermann Hertle, spécialiste de l'ex-RDA (Zentrum für Zeithistorische Forschung Potsdam) ou Dr. Franz Hoffmann (Institut für Deutschlandforschung). Une autre exposition consacrée à la période entre la chute du mur et la réunification se tiendra dans le centre commercial du 1er mai 2015 au 4 octobre 2015, date fixée au lendemain de l'anniversaire de l'Allemagne réunifiée.
 Si le succès des expositions temporaires organisées par Jörg Moser-Mertius autour de l'histoire du mur de Berlin est sans appel, l'entrepreneur envisage une exposition permanente nommée Where was the wall sur les terrains entourant la tour, où une sélection de photographies inédites prises par l'ex soldat français Hendrik Pastor sera à découvrir. Vue aérienne de la Potsdamer Platz à la Brandenburger Tor en passant par le mirador, un coucher de soleil sur Berlin-ouest ou un soldat anglais descendant le drapeau britannique lorsque les dernières troupes alliées ont quitté la ville le 31 septembre 1994, autant de photographies retraçant l'Histoire du mur y seront exposées. Elles reflètent le parcours unique de ce français propulsé au coeur de l'Histoire berlinoise.

 Trois gardes-frontières (1974/1978)
 © Agentur der Gallier - Hendrik Pastor


 L'Histoire est son histoire

M. Pastor est militaire de carrière depuis 1968. D'abord photographe amateur pour l'armée française basée à Berlin, il démissionne en 1978 pour s'installer définitivement dans l'ilot ouest-allemand : « beaucoup de gens tombent amoureux de femmes allemandes, moi c'était une ville ». Engagé pour les affaires internes de l'US Air Force à Tempelhof, Hendrik Pastor est aux premières loges pour photographier les différents évènements de la guerre froide. « Berlin était la bonne place : il y avait cinq différentes armées ». Dès 1981, il fût à la charge du service photographique et des relations publiques de l'armée de terre britannique à Berlin, pour laquelle il a photographié les plus grands moments de cette période historique, jonglant de part et d'autre du mur. Ce français ayant travaillé pour les forces américaines puis britanniques dans la ville occupée à l'époque de la guerre froide est conscient de son parcours unique et aime raconter son quotidien au milieu des différents Bezirke (quartiers) de Berlin. Celui pour qui la réunification aura signé la fin de sa carrière militaire détient plus de 15 000 clichés historiques personnels et les lègue à l'initiative de Jörg Moser-Mertius et de son mirador avant de partir à la retraite en France, dans la région de Gap, rêvant d'une petite ferme au milieu des montagnes.

  












 Un coucher de soleil sur Berlin (1975)
 © Agentur der Gallier - Hendrik Pastor


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