Par Rachel Knaebel et Lucie Lautredou

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La coopération est morte, vive la coopération !


Par Rachel Knaebel et Lucie Lautredou

Publié initialement le vendredi 13 février 2015
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Une région maritime située à l'extrême ouest de la France, une autre de forêts et de montagnes, à la frontière avec la République tchèque... A priori la Bretagne et la Saxe n'ont pas grand chose en commun. Elles sont pourtant partenaires depuis 1995. Bon an, mal an.




"La coopération régionale telle qu'on l'entendait à l'origine, il n'y en a plus." C'est avec des pincettes que Forough Salami, vice-présidente de la région Bretagne chargée de l'international, aborde la question "compliquée" de la coopération avec la Saxe, nouée en 1995. Pour faire fonctionner un partenariat "il faut des relations humaines, des échanges et des rencontres", note l'élue. C'est précisément "ce qu'il manque avec la Saxe". Du point de vue des Bretons, la communication ne passe pas au niveau institutionnel. À tel point que c'est par l'intermédiaire d'une association qu'elle a appris que les Allemands n'étaient "pas très enthousiastes à l'idée de poursuivre le partenariat", se souvient-t-elle.

"La Saxe a dit basta"

Cet informateur, c'est l'association Saxe- Bretagne. Créée en 1996, un an après la signature de la déclaration commune de coopération à Dresde, la structure entend rapprocher les citoyens des deux régions. L'action de l'association s'est concrétisée par l'organisation d'expositions et conférences, le pilotage d'échanges interculturels ou encore la mise en place d'une coopération entre les universités. Mais aujourd'hui la présidente de la structure est "désabusée". "La Saxe a dit basta", affirme Ulrike Huet, découragée au point de prévoir la mise en sommeil de l'association française Saxe- Bretagne au premier trimestre 2015. "C'est très difficile de faire une action régionale", observe celle qui a pris la présidence de la branche bretonne de la Fédération des associations franco-allemandes (Fafa). "Nous aurons plus d'impact avec la Fafa, ça renforce d'avoir une fédération nationale, nous n'aurons plus l'impression de ramer seuls dans l'océan", observe la militante de la coopération transfrontalière.



 
Le son de cloche est quelque peu différent à Dresde, où siège la branche allemande de l'association Saxe-Bretagne, la Sächsische- bretonische Gesellschaft. "Le problème de ces partenariats régionaux, c'est qu'ils sont initiés par les autorités régionales pour des raisons politiques conjoncturelles, avec le but que la société civile prenne le relais. Ce qui se passe de moins en moins", analyse le président de l'association, Ingo Kolboom. "Ensuite, au niveau politique, plus personne ne s'en occupe. Aujourd'hui, l'une des tâches de notre association est déjà de signaler aux gens et aux élus de la région que ce partenariat existe."Cet ancien professeur de civilisation française à l'université de Dresde ne veut pas baisser les bras. La Sächsische-bretonische Gesellschaft poursuit d'ailleurs ses activités pour "maintenir le partenariat en vie". À l'occasion des 50 ans du Traité de l'Élysée, l'an dernier, elle a ainsi édité un ouvrage réunissant les regards d'étudiants saxois sur la Bretagne, Ma France, Dresdner Studenten schreiben über Frankreich. Et Ingo Kolboom et son équipe préparent en ce moment-même l'édition d'un film documentaire sur la région française, accompagné d'un CD-Rom à l'usage des enseignants de français. Reste qu'aucun de ces projets n'est soutenu financièrement par la région de Saxe. Le livre a pu voir le jour grâce au mécénat d'une entreprise et le film est auto- financé, il n'a coûté "que" 1 000 euros.

Entre la mer et la montagne, un partenariat impossible ?

Mais, finalement, nouer un partenariat entre deux régions aussi différentes l'une de l'autre, était-ce bien raisonnable ? "Après la Réunification, la Saxe a cherché une région partenaire en France pour consolider ses contacts dans l'Ouest de l'Europe et pour développer la pratique du français en Saxe. 20 ans plus tard, je ne peux pas dire avec précision pourquoi la Bretagne a été choisie pour cette coopération", admet Thomas Horn, chargé des relations internationales à la région de Saxe. En effet, les points communs ne sont pas légion. "La Bretagne est une région maritime et de pêche, la Saxe une région montagneuse et de sports d'hiver", constate le responsable. "C'est ce qui fait l'intérêt du partenariat. Les contraires s'attirent !", répond l'optimiste Ingo Kolboom qui tente de mettre en avant ce qui rapproche les deux régions : "La Saxe a des liens avec la France depuis le XVIIIe siècle. Le français était la langue parlée à la cour de Saxe. Et finalement, nous avons des histoires communes avec la Bretagne. Les deux régions ont des traditions d'autonomie. Et nous avons aussi une langue régionale ici, le sorbe."




 
Vers des relations moins institutionnelles

L'élargissement de l'Union européenne a de toute façon changé la donne depuis 1995. "Le partenariat a été lancé dans une Union à seulement 12 États membres", souligne Thomas Horn. "Aujourd'hui, elle compte 28 pays. La Saxe se retrouve à nouveau au centre de l'Europe." Un début d'explication à la baisse d'enthousiasme de la part de Dresde ? "Les dix premières années, nous avons essayé de coopérer dans tous les domaines. Mais il est apparu qu'il était impossible d'approfondir les contacts par- tout", défend plutôt le chargé des relations internationales. "Cela n'a pas du tout marché avec l'industrie par exemple." Alors, les liens se sont resserrés sur une poignée de sujets : éducation, universités, agriculture et énergie. Ainsi, Saxe et Bretagne compte aujourd'hui six partenariats scolaires et 20 coopérations entre cursus universitaires. Les universités saxonnes et l'université européenne de Bretagne développent ainsi depuis 2008 une série de conférences communes sur le thème des défis internationaux du développement durable. Les deux régions ont aussi mis en place des partages d'expériences sur la question des énergies renouvelables et entre les éleveurs porcins des deux régions, "un secteur que nous avons en commun", souligne Thomas Horn. Pour le responsable, cette nouvelle direction est la bonne : "Les projets sont aujourd'hui portés par les maires, les écoles, les universités, les entreprises agricoles... C'est le but d'un tel partenariat, qu'il vive des gens, pas du gouvernement régional. Et puis, la Bretagne est un focus, mais nous travaillons avec toute la France."La région Bretagne tend également à préciser le domaine de ses actions. En 2009, une évaluation des actions de coopération a ainsi incité les partenaires institutionnels à se recentrer sur quelques thématiques prioritaires. Et la relation interrégionale implique de plus en plus souvent un partenariat multi-partite et non plus seulement bilatéral. Une situation qui "correspond à l'évolution du contexte de la coopération européenne, ainsi qu'aux critères de bien des programmes européens", justifie la Bretagne, qui fait état de "relations plus ciblées, plus circonscrites dans le temps et moins institutionnelles" alors que des "partenariats ou des réseaux plus larges, prennent le pas sur des accords généraux au niveau thématique mais plus strictement bilatéraux". De quoi maintenir les liens? "Je ne suis pas résignée, je n'abandonne pas car en ces temps de pessimisme sur l'Europe, il est encore plus déterminant de solidifier nos relations", estime Forough Salami.

Mélanger la bière et le "kig ar farz"

Une raison de ne pas se décourager : quel que soit l'état des relations institutionnelles, les habitants poursuivent leurs actions. La très active association Gwennili, basée dans le Finistère, invite par exemple chaque année des élèves infirmiers saxois à visiter leurs pairs à Quimper et organise des chantiers environnementaux et patrimoniaux avec la Saxe. "Nous travaillons beaucoup avec l'Allemagne et favorisons autant que possible les liens avec la Saxe", explique Hélène Mignon, coordinatrice de la structure.Le jumelage entre Guingamp et la ville d'Aue est lui aussi très dynamique : que ce soit lorsque les Bretons se rendent en Saxe pour un tournoi de handball ou pour visiter marché de Noël ou lorsqu'ils invitent les Saxois pour participer à la fête de la ville, toutes les occasions sont bonnes pour mettre un peu bière dans le "kig ar farz". "Nous avons par exemple ce projet musical. À la mi-janvier, l'orchestre philharmonique d'Aue jouera une pièce d'un compositeur guingampais", rapporte François Oulmann, Alsacienne installée en Saxe depuis plus de 20 ans et présidente du comité de jumelage. Touché, le compositeur breton fera le voyage en Saxe pour l'occasion. 
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