50 ans de chant sans bémol

"Cum Sanc - to Spi - ri - tu, in glo - ri-a De - i Pa - tris A - - men" entonnent les voix de baryton pour la 5ème fois, avant d'être à nouveau interrompues par le chef de choeur Steffen Rafael Schwarzer : "Nein ! Es ist Cum, nicht Gum ! (K) !"

Si le choeur est composé d'amateurs, ce n'est pas pour autant que l'approximation est tolérée. Au fil de la répétition, chaque détail de la partition est analysé, le chef de choeur voulant atteindre à la perfection à l'approche du concert pour les 50 ans du Deutsch-französischer Chor (DFC). Les 80 choristes d'origines allemande et française se réunissent ainsi tous les mardis pendant deux heures au nom de leur passion commune pour le chant et de l'amitié franco-allemande.
Fondée en 1965 par le diplomate français Bernard Lallement, cette chorale a d'ailleurs une histoire originale, dans la mesure où elle a évolué dans le contexte très particulier qu'était celui de Berlin ouest pendant la guerre froide. À ses débuts, le choeur est principalement composé de militaires français et ses répétitions se déroulent au sein même de la caserne militaire. Mais lorsque les forces françaises stationnées à Berlin (FFSB) quittent la ville en 1994, la chorale perd une grande partie de son contingent et doit trouver un autre lieu où se réunir. Jean-Jacques Hoffner, militaire français à l'époque et aujourd'hui membre et président de la chorale, raconte cette période : "Le choeur franco-allemand de Berlin est parvenu à ne pas sombrer après le départ des forces françaises grâce à sa notoriété et sa réelle mixité avec des Allemands. La démobilisation a été un coup dur pour le choeur, car de nombreux liens s'étaient créés entre Français et Allemands". Ayant rencontré sa femme à Berlin, Jean-Jacques Hoffner a lui-même fait le choix de s'installer définitivement dans la capitale et par conséquent de ne pas quitter la chorale.
C'est dans une école du quartier de Wedding qu'ont aujourd'hui lieu les répétitions du choeur. L'ambiance y est joyeuse et animée et on sent combien les choristes ont plaisir à se retrouver chaque semaine. De tous âges, ces amateurs de chant choral parlent généralement en allemand, mais on surprend toutefois quelques conversations en français. La plupart de ces choristes sont germanophones, et nombreux sont ceux à avoir perfectionné leur niveau dans la langue du voisin grâce à la chorale. Renate Giessner décrit avec un peu de nostalgie les soirées organisées il y a quelques années entre choristes, qui se réunissaient le soir pour des cours de conversation ou pour aller au cinéma ou jouer aux boules. La chorale s'est toujours placée sous le signe de la convivialité, le grand groupe se montrant très accueillant envers les nouveaux membres. Elle-même avait tout de suite apprécié l'atmosphère amicale régnant au sein du choeur : "J'ai découvert le choeur quand j'étais jeune grâce à une amie francophile qui avait lu un article dessus dans Tip ; nous y sommes allées pour essayer et nous avons tout de suite adoré chanter dans un choeur aussi chaleureux ". Renate Giessner n'a depuis plus jamais quitté le choeur et s'y est fait des amis franco-allemands, ce qui lui permet aujourd'hui de "comprendre le français et de maintenir son niveau de langue", confie la choriste et membre du conseil d'administration de la chorale.
De belles histoires sont d'ailleurs nées de cette grande famille musicale franco-allemande, qui a donné lieu à quelques unions comme celle de Fabrice et Prune pour n'en citer qu'une. Au-delà de l'amitié au sein du choeur, le DFC cultive de nombreux liens avec d'autres ensembles. Il appartient en effet à la "Fédération des chorales franco-allemandes" de 15 choeurs situés en France et en Allemagne qui promeut l'amitié franco-allemande et la jonction des différents ensembles vocaux par-delà les frontières. Riche de nombreux liens à l'étranger, notamment en France et en Pologne, le DFC voyage pour des tournées et a su convaincre des publics de tous les horizons. Le répertoire du DFC est du reste assez original : des chansons populaires françaises à la musique classique, la chorale est attachée à son identité multiculturelle et à sa non conventionalité. Le bilinguisme du répertoire met d'ailleurs au défi les choristes allemands, qui se font aider pour la prononciation par leurs camarades français. Cette solidarité est ainsi représentative de l'ambiance qui règne au DFC, lieu d'amitié consacré au plaisir de la musique, à tel point que les gens voulant intégrer le choeur sont obligés de se soumettre à une liste d'attente.
Après quelques vocalises dynamiques, les choristes ouvrent leurs partitions et commencent à travailler. Avec passion et sens du détail, le chef de choeur allemand Steffen Rafael Schwarzer en poste à la chorale depuis neuf ans fait travailler à chaque pupitre sa partie. À quatre semaines du concert pour le 50ème anniversaire, le chef redouble d'exigence. En passe de quitter le choeur pour d'autres projets musicaux, ce dernier a en effet pour ambition de monter la monumentale messe en Mi bémol Majeur de Schubert pour son dernier concert avec la chorale. Alliant amateurisme, plaisir et en même temps exigence et qualité d'interprétation, le choeur berlinois donnera un concert le 20 juin 2015 pour célébrer les 50 ans de cette belle entreprise d'amitié franco-allemande. Pour cette occasion seront conviés plus de 300 choristes des choeurs franco-allemands de Toulouse, Lyon, Bonn et Cologne qui interprèteront tous ensemble la messe en Mi bémol Majeur de Schubert, accompagnés de l'orchestre franco-allemand de Berlin. De nombreux invités de marque seront présents pour l'événement, comme le ministre des Finances Wolfgang Schäuble ou encore l'ambassadeur de France, Philippe Étienne.

Concert du choeur franco-allemand de Berlin (DFC)
Le 20 juin 2015, à 18h
Gethsemane-Kirche
Stargarder Straße 77
10437 Berlin
Réservation : www.reservix.de ou au : 030 853 74 70
Places : 22€ catégorie A ; 18€ catégorie B ; 12€ catégorie C

Image: © choeur franco-allemand de Berlin (DFC)