Par Jacques Docquiert
Le temps presse mais la balle est, plus que jamais, dans le camp britannique. Les négociations du Brexit sont en effet entrées cette semaine à Bruxelles dans une phase cruciale. Après un accord en décembre sur trois points essentiels du divorce – la facture à payer par Londres, le sort des Européens installés Outre-manche et la frontière entre les deux Irlande – le Royaume-Uni et ses partenaires doivent désormais définir leurs relations futures, un point clé pour l’économie britannique mais qui dépend des attentes et des propositions de Londres.
« Le temps est venu de faire un choix. Nous avons besoin de clarté sur les propositions britanniques concernant la future relation du Royaume-Uni avec l’UE » a scandé Michel Barniert à l’issue d’un entretien, lundi à Londres, avec la Première ministre, Theresa May. « La seule chose que je peux dire » a ajouté le chef négociateur de l’Union « c’est que sans l’union douanière et hors du marché unique, les barrières au commerce des biens et des services sont inévitables ». Un peu plus tard, il ajoutait « qu’en quittant le marché unique, le Royaume-Uni perdrait le passeport européen pour ses entreprises financières ». Une série de mises en garde qui confirment les projections publiées, une semaine plus tôt, par une étude britannique qui indiquait que, selon les scénarios choisis par le gouvernement May, la croissance britannique chuterait de 2 à 8% au cours des 15 prochaines années du fait du départ du Royaume-Uni de l’Union.
Alors que les Britanniques sont ainsi pressés de présenter la façon dont ils envisagent leurs futures relations avec l’Union, la cacophonie la plus totale règne à Londres. David Davis, le négociateur britannique, explique que son pays « va quitter l’accord douanier » afin d’être libre de conclure des accords commerciaux avec le reste du monde. Mais il ajoute qu’il souhaite conserver la relation commerciale « la plus fluide possible » avec l’UE, une fois le Brexit entré en vigueur. Cette mise au point presque contradictoire intervient en plein accès de tension entre pro et anti-Brexit au sein même du gouvernement de Londres. Le chef de la diplomatie britannique, Boris Johnson, et son homologue de l’Environnement, Michael Gove, sont favorables à un retrait pur et simple de l’Union. Mais Philipp Hammond, le ministre des Finances, traduit l’inquiétude des milieux d’affaires en souhaitant le maintien de la relation la plus étroite possible avec l’UE. Theresa May se trouve donc dans une position particulièrement inconfortable tout en peinant à imposer ses choix et son autorité au sein même de son propre parti et de son propre gouvernement. « Elle continuera à se taire pour éviter une crise politique sans précédant » observe un diplomate bruxellois. Quant à Michel Barnier, qui espère un peu plus de clarté sur les positions britanniques pour permettre aux négociations d’avancer, il en est pour ses frais. Les négociateurs des deux camps ont repris leur dialogue mardi à Bruxelles, en principe jusqu’à vendredi… si Londres sort enfin de son mutisme.