Par Maike Daub

 

Euro 2016, 11 juin, Marseille. En marge du match Angleterre – Russie, des supporteurs de l’équipe britannique sont violemment agressés par des Hooligans russes. Des images des affrontements et des blessures sanglantes font le tour du monde et choquent les fans du ballon rond.

 

Mais, qui sont les Hooligans ? Nicolas Hourcade, professeur de sciences sociales à l’École Centrale de Lyon et spécialiste des supporteurs de football, les définit ainsi : ils « sont essentiellement préoccupés par la confrontation physique avec les supporters adverses ou avec la police » et les distingue d’un autre groupe de supporteurs extrêmes, les Ultras. Ces derniers sont, selon lui, « bien structurés, planifient le soutien à l’équipe, et organisent des animations colorant leur tribune. » Il dit d’ailleurs que même si les Ultras peuvent aussi avoir recours à une certaine violence, « elle ne constitue qu’un moyen d’action parmi d’autres alors que la pratique des Hooligans est centrée sur la violence. »[1]

 

Cette distinction entre les deux groupes est surtout importante pour les Ultras eux-mêmes, qui ne veulent pas être confondus avec les Hooligans qui sont souvent influencés par une pensée d’extrême droite. Pourtant, c’est une différenciation qui disparaît de plus en plus, surtout en France, dans le langage des médias et des clubs.

 

Pour illustrer le contraste entre Ultra et Hooligan, le journal allemand Die Zeit a donné la parole à un Ultra en 2016. Son témoignage décrit l’impuissance des supporteurs pacifiques et des clubs vis-à-vis des fauteurs de troubles. D’autant plus de raisons de ne pas confondre Ultras et Hooligans, car les Ultras peuvent se sentir criminalisés par le discours officiel et cela pourrait mener, à l’inverse, à plus de violence.

 

 

Les Ultras en Europe

 

La lutte contre les agressions en marge des matchs de foot pose problème dans quasiment tous les pays d’Europe. En Italie, les billets ne sont plus que vendus à un nom précis et en France, les fameuses restrictions de déplacement dérangent. En Allemagne, la situation semble pourtant un peu plus calme. Les autres pays regardent la Bundesliga et sa capacité à engager le dialogue entre la plupart de ses clubs et leurs Ultras avec envie.

 

Malgré tout, la situation est de plus en plus tendue en Allemagne et les Ultras sont de plus en plus critiqués à cause de quelques actions extrêmes – l’année dernière par exemple, les supporteurs de Dynamo Dresden ont déclaré « La guerre au DFB » lors d’un match contre le Karlsruhe – mais aussi à cause de l’utilisation d’engins pyrotechniques, qui est interdit dans les stades de France et d’Allemagne, jugée dangereuse par les autorités.

 

En France, les Ultras commencent à se révolter contre toutes les restrictions avec des actes de désobéissance civile : lors d’un match entre Strasbourg et Bordeaux, des supporteurs des Girondins ont ignoré l’interdiction de déplacement et sont entrés dans le stade de Strasbourg – avec l’aide des Ultras sur place. Les fans strasbourgeois se sont même d’avantage solidarisés avec les Bordelais en interrompant tout encouragement pour cinq minutes. Les Ultras de Bordeaux ont été ensuite délogés par des CRS – violemment, d’après certains.

 

 

Petit Historique

 

Même si on a l’impression que ce développement de violence en marge des matchs de foot est récent, il ne l’est pourtant pas. Les mouvements des Ultras et des Hooligans naissent dans les années 80, même si les violences existaient déjà dès le début de la discipline. William Langlois explique dans son livre Les guerriers du Samedi Soir que déjà au Moyen-Âge, les services publics se méfiaient des prédécesseurs du foot car cela provoquait des agitations. Quand la « Soûle » arrive en France au XIIe siècle, les rencontres sportives étaient souvent accompagnées par des actes de violences, ce qui a mené, vers 1300, à l’interdiction de ce sport de ballon. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’il va réapparaître. Dans l’Angleterre en pleine crise économique, les matchs sont toujours agités et des affrontements sont à souligner. C’est ainsi que naît le mot « Hooligan » déjà en 1898.

 

On constate alors qu’une époque illusoire, qui s’inscrit dans le discours de « c’était mieux avant », n’existe pas.

 


[1] Définition tirer de « L’engagement politique des supporters « ultras » français. Retour sur des idées reçues », Politix. Revue des sciences sociales du politique, 2000 (50), pp. 107-125.

Par Redaktion ParisBerlin le 25 juin 2018