Par Jacques Docquiert
La Première ministre britannique a obtenu, vendredi, de ses homologues européens l’ouverture, tant attendue, des négociations qui doivent permettre de définir les relations que son pays, hors de l’Union, entretiendra avec ses anciens partenaires européens. Une avancée importante alors que le Brexit doit intervenir le 29 mars 2019 et que tout ou presque reste à faire pour éviter une rupture trop brutale des relations entre le Royaume-Uni et l’UE. Mais ce feu vert des « 27 » annonce des relations futures, tant en matière économique, commerciale, de défense , de sécurité, plus tendues que ne l’avaient promis les tenants du Brexit qui ont convaincu, le 23 juin 2016, 51,9% des électeurs britanniques que leur pays sortira renforcé de ce divorce. Les dirigeants de l’Union ont, en effet, fixé toute une série de lignes rouges à la suite de la décision de Mme May de quitter le marché intérieur et l’union douanière qui organisaient, depuis plus de quarante ans, les relations de son pays avec les Etats membres de l’Union.
« Le fait d’être en dehors de l’union douanière et du marché unique conduira inévitablement à des frictions en matière commerciale…Cela aura malheureusement des conséquences économiques négatives, en particulier au Royaume-Uni » indiquent , en guise de préambule, les orientations de négociations adoptées à l’unanimité par les partenaires de Londres, vendredi matin. Et pour préciser encore les choses, elles rappellent qu’un « pays non membre de l’Union ne peut avoir les mêmes droits et bénéficier des mêmes avantages qu’un Etat membre ».
La volonté réitérée par Mme May de parvenir à « un partenariat fort » entre les deux blocs trouvera rapidement ses limites alors qu’Européens et Britanniques se sont engagés à conclure, en juin, un accord sur l’épineuse question de la frontière avec l’Irlande du Nord. Dans la première partie des négociations portant sur les conditions du divorce et notamment sur le sort des expatriés européens et britanniques après le Brexit, sur la facture à régler par Londres pour solder ses comptes avec l’UE et sur l’organisation d’une période de transition, les Européens n’ont rien cédé, contrairement à Theresa May. Et ce front commun des « 27 » parait toujours aussi robuste laissant présager des discussions très dures dans les semaines et les mois à venir alors que le Royaume-Uni réalise 45% de ses exportations vers l’UE, les exportation de cette dernière ne représentant que 17% du total. Bruxelles comme Londres souhaitent négocier un traité de libre-échange prévoyant des droits de douane nuls pour les marchandises échangées entre le Royaume-Uni et les « 27 ». Mais les Européens exigent qu’un tel accord ne remette pas en cause l’unité de leur marché unique, refusant notamment des accords « à la carte » , pour certains secteurs et pas d’autres. Parmi les nombreuses difficultés à résoudre figure également le sort des services financiers britanniques, une question-clé pour Londres soucieuse de défendre les intérêts de la City. Actuellement les banques des pays de l’UE bénéficient d’un passeport européen leur permettant d’exercer leurs activités sur tout le territoire de l’Union. Mais après le Brexit, les banques britanniques, qui constituent le principal secteur économique du pays, seront privées de cette libre circulation. Les Européens envisagent donc de mettre en place un système d’équivalence permettant à ces banques d’avoir accès aux marchés continentaux. Mais cet accès serait révocable à tout moment et unilatéralement par Bruxelles, une sorte de « casus belli » pour les négociateurs britanniques. Un autre sujet très sensible concerne le règlement des différents qui ne manqueront pas de surgir entre l’ancien Etat membre et les « 27 ». Ces derniers souhaitent que la Cour européenne de justice ait le dernier mot, mais il n’en est pas question pour Londres. « La future relation devra respecter les principes et l’identité de l’UE et du marché unique » a résumé Michel Barnier, le négociateur européen, alors que le temps presse et que les sujets de désaccord potentiel sont légion.