Le coup est dur pour l’Union. Après la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, c’est, cette fois, un pays fondateur du Marché Commun, de tous les combats en faveur de la construction européenne, ardent partisan de la monnaie unique et dont l’économie est la troisième de la zone euro, qui vient de se doter d’un gouvernement de coalition anti-européen. Et le programme de ce nouveau gouvernement italien, conduit par Guiseppe Conte, prévoit de mener une politique de relance en laissant déraper déficit public et dette, un chiffon rouge aux yeux des marchés et de la plupart de ses partenaires qui redoutent qu’une telle politique provoque une crise de l’euro, bien plus grave encore que la crise grecque.

La France, l’Allemagne et la Commission européenne n’ont pas tardé à réagir. « Si le nouveau gouvernement italien prenait le risque de ne pas respecter ses engagements sur la dette, le déficit, mais aussi l’assainissement des banques, c’est toute la stabilité financière de la zone euro qui serait menacée » a prévenu, dès lundi, le Ministre français de l’économie, Bruno Le Maire. Il s’est immédiatement attiré les foudres de Matteo Salvini, l’homme fort de la Ligue, la composante d’extrême droite du nouveau gouvernement de Rome. « Que la France s’occupe de la France sans mettre le nez dans les affaires des autres » a-t-il rétorqué. A Berlin, c’est Manfred Weber, l’un des responsable du parti de la chancelière, qui a exprimé la même inquiétude. « L’Italie a l’endettement le plus élevé de la zone euro après la Grèce. Nous ne pouvons que lui conseiller de maintenir le cap en matière de politique économique et financière, de promouvoir la croissance via des réformes et de maintenir le déficit budgétaire sous contrôle » ajoutait, à Bruxelles, le Commissaire chargé de l’euro.

Or c’est exactement le contraire que prévoit le « contrat de gouvernement » passé entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) de Luigi Di Maio et la Ligue (Extrême droite) de Matteo Salvini. Ses trois mesures phares – une forte réduction d’impôt, l’instauration d’un salaire universel et l’abaissement de l’âge de la retraite – ne peuvent que creuser le déficit et la dette italienne. Et Pierre Moscovici, le Commissaire européen chargé des affaires économiques, n’a pas manqué de s’en inquiéter . « Nous allons travailler avec le prochain gouvernement italien. Il faut respecter la légitimité démocratique » a-t-il déclaré jeudi, avant d’ajouter : « l’Italie a déjà bénéficié de toutes les flexibilités existantes », une manière d’affirmer que tout dérapage budgétaire sera immédiatement sanctionné. Les partenaires de Rome vont, en outre, suivre la composition du gouvernement Conte sans cacher leurs appréhensions. C’est en effet le patron de la Ligue, Matteo Salvini, qui devrait obtenir le poste de Ministre de l’intérieur alors qu’il prône une politique très restrictive et très dure à l’égard des migrants. Plus grave encore aux yeux des capitales de l’Union, c’est un ardent adversaire de l’euro, Paolo Savona, un ancien ministre ( 1993-1994 ) de 81 ans qui pourrait obtenir le portefeuille de l’économie alors qu’il considère l’euro comme « une cage allemande ». Au-delà, le virage franchi par l’Italie constitue, de l’avis de tous les diplomates et de tous les observateurs, un désaveu de l’Europe, une fois de plus accusée de tous les maux. Les électeurs italiens, qui lui ont tourné le dos, reprochent en effet à l’Union d’avoir imposé à leur pays une politique de rigueur, menée notamment par le gouvernement de Mario Monti, et de ne pas l’avoir suffisamment aidée à affronter le flux migratoire en refusant souvent de se répartir les demandeurs d’asile qui ne cessent de débarquer sur les côtes de la Péninsule. Enfin, l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement italien anti-européen prive Emmanuel Macron d’un soutien de poids à son projet de relance de l’Union et notamment de la zone euro. Il illustre, en outre, le refus partagé par une partie de l’opinion publique européenne de sa politique de réformes et de retour aux équilibres.

Par Redaktion ParisBerlin le 25 mai 2018