Par Jacques Docquiert
Les « 27 » veulent garder les mains libres pour désigner le futur président de la Commission européenne qui succédera à Jean-Claude Juncker en novembre 2019. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union ont, en effet, refusé vendredi la procédure dite du « candidat tête de liste », qui prévoit que le candidat choisi par le groupe politique du Parlement européen ayant remporté les élections européennes devienne automatiquement président de la Commission. « Le Traité est très clair sur la compétence autonome du Conseil européen…Celui-ci ne peut pas garantir par avance que le choix se fera uniquement parmi ce groupe de Spitzenkandidat ( la formule retenue pour désigner les têtes de liste ) a résumé Donald Tusk, le président du Conseil européen, vendredi soir après des conclusions unanimes sur ce point des chefs d’Etat et de gouvernement.
Lors des précédentes élections européennes de 2014, les principaux partis politiques européens – conservateurs, socialistes, libéraux, verts, gauche-radicale – avaient présenté chacun leur candidat en précisant que le poste de président de la Commission devait revenir à la tête de liste de la famille politique ayant gagné les élections. Et à la suite de la victoire du Parti populaire européen, ils avaient exigé et obtenu des Etats membres qu’ils désignent leur champion, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, alors que les traités évoquaient cette possibilité, sans en faire une obligation. Juncker a, par la suite, souligné, à plusieurs reprises, la légitimité démocratique qui lui avait conférée cette procédure.
Quatre ans plus tard, les « 27 » ont donc décidé de ne pas renouveler l’expérience qui les prive d’une partie de leurs prérogatives. « Il y a une unanimité pour considérer qu’il n’ a aucune automaticité. Il est important de le rappeler » a souligné le président français, Emmanuel Macron. « Il faut voir quel rapport de majorité on peut former. Il y a bien des gouvernements nationaux où le parti le plus fort n’est pas celui qui fournit le chef de gouvernement » a ajouté la chancelière allemande Angela Merkel. Macron « l’européen » a, quant à lui, une bonne raison supplémentaire de refuser la procédure de la tête de liste : son parti, la République en marche, n’est rattaché à aucun parti politique paneuropéen et ne peut donc pas espérer imposer son candidat avec ce système alors que plusieurs noms sont déjà cités pour remplacer Juncker, dont celui de Michel Barnier et de Christine Lagarde pour la France.
La partie sur le rôle de la tête de liste n’est pas jouée pour autant. Le candidat sélectionné par le Conseil européen doit, en effet, recueillir ensuite une majorité de suffrages de la part des eurodéputés pour pouvoir entrer en fonction . « Ce qui en termes démocratiques traduit tout de même une hiérarchie qu’il faut respecter » a rappelé Juncker. En 2014, c’est d’ailleurs en menaçant de ne pas investir un candidat qui ne serait pas leur tête de liste que les élus européens avaient imposé cette procédure. Et ils ne cachent pas aujourd’hui qu’ils entendent réitérer cette opération en 2019 en la présentant comme une avancée démocratique et en laissant entendre qu’un refus des « 27 » constituerait, à leurs yeux, un casus belli.