Par Jacques Docquiert
Le symbole reste fort. Au lendemain de son élection, Emmanuel Macron avait réservé sa première visite à Angela Merkel. Et, à peine élue, la chancelière allemande lui a rendu la politesse en s’entretenant longuement, vendredi soir à l’Elysée, avec le Président de la République avec un seul sujet à l’ordre du jour de ces retrouvailles : l’Europe, sa réforme et sa relance. Et Merkel a immédiatement donné le ton : « Cher Emmanuel, je sais que vous avez dû attendre longtemps avant que nous ayons réussi à former un gouvernement. Notre accord de coalition est placé sous le signe d’un nouveau départ pour l’Europe. J’ai la volonté d’y arriver et je crois que nous le pouvons ». « Sur la zone euro, sur la politique migratoire, de défense, de recherche et sur tous les grands domaines que nous avons pu définir, nous proposerons une feuille de route ambitieuse pour cette refondation d’ici juin et y mettrons l’énergie requise » lui a répondu E. Macron.
Les deux dirigeants ont consacré un tête à tête d’une heure et demie à l’examen des dossiers qui devraient figurer dans cette feuille de route et notamment sur les moyens de faire mieux converger les économies des 19 pays de la zone euro en créant notamment un fonds d’investissement commun et un fonds de garantie pouvant intervenir en cas de nouvelle crise bancaire. Ils poursuivront leurs discussions lors d’un nouveau rendez-vous en avril en Allemagne avant d’organiser un conseil des ministres franco-allemand consacré à cette relance de l’UE. Pour aboutir, ils devront trouver un compromis entre la volonté française d’instaurer davantage de solidarité entre les pays partageant la même monnaie et le souci constant de Berlin d’imposer plus d’efforts aux pays les plus fragiles. Et en ce domaine, la France estime avoir donné des gages suffisants à l’Allemagne. « Pendant de longues années, a rappelé Emmanuel Macron, l’Allemagne a attendu que la France conduise ses réformes. La France les a faites ces derniers mois avec volontarisme et nous continuerons ». De son coté, Mme Merkel, dont la politique migratoire généreuse n’a pas été comprise par une bonne partie de son opinion publique, a insisté sur le rôle accru que devait jouer l’Europe dans ce dossier particulièrement sensible. « Nous devons absolument obtenir des résultats sur une politique commune d’asile tout en protégeant nos frontières extérieures » a-t-elle souligné, Paris comme Berlin estimant que cette question migratoire serait au coeur des débats préparant les élections européennes de mai 2019 et ne devait pas fournir des arguments aux partis nationalistes et anti-européens.
Cette relance de la coopération franco-allemande a été accueillie avec prudence par plusieurs capitales européennes. « Il est nécessaire que tous les dirigeants de l’Union s’impliquent davantage pour avancer » a déclaré, au même moment, Donald Tusk, le Président en exercice du Conseil européen alors que ces questions de relance seront évoquées par les dirigeants des « 28 », lors d’un sommet les 22 et 23 mars à Bruxelles. « Il ne faut pas croire que nous, ou d’autres pays européens, trouverons bien tout ce sur quoi Allemands et Français se mettent d’accord. On ne va pas seulement acquiescer » a immédiatement mis en garde le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte.